TOM PAXTON À LA POMME D'ÈVE - 29 JANVIER 2008
Eh oui: il est venu, il a vu, il a vaincu... Mais à vaincre sans péril un public conquis d'avance, on ne triomphe pas toujours sans gloire. En effet, personne n'avait envie de résister au gentil envahisseur venu des Amériques après un crochet par les îles britanniques. Tom Paxton donnait en ce mardi soir son seul concert sur le continent et la Pomme d'Ève était trop petite pour accueillir tous ceux qui auraient aimé entendre et voir ce monument du folk song auprès duquel, soudain, même le Panthéon prenait des dimensions plus modestes.
Au bar, quelques visages connus, comme celui d'Eric Andersen. En revanche ni Graeme Alwright ni Steve Waring n'avaient pu être présents.
Même les présentations d'usage ont eu une autre dimension. Hervé, bien sûr, nous a souhaité la bienvenue avant de céder la parole à un autre monument du folk, Jacques Vassal, journaliste et écrivain, à qui tous ceux qui aiment ce genre musical savent ce qu'ils doivent. Et puis un ami bordelais, qui œuvre aussi, dans l'ombre, pour la musique folk et la bonne chanson française (je vous en parlerai bientôt, dès que j'aurai collecté les informations ad hoc). Et le spectacle commença.
Robin Bullock, "Celtic-American guitar player", qui devait accompagner Tom à la guitare, mais aussi à la mandoline et surtout au bouzouki, tout au long de la soirée, nous gratifia d'abord de deux instrumentaux d'une limpide beauté.
Et Tom arriva. Ce "Pépère" de 70 ans, coiffé de sa sempiternelle casquette, la moustache et les cheveux en bataille attaqua sans baratin superflu un "How Beautiful Upon The Mountain", premier morceau de son nouvel album et, déjà, les chœurs de la Pomme entonnaient le refrain: "How beautiful upon the mountain / Are the steps of those who walk in peace". C'est la grande magie de Tom Paxton: être capable de nous pondre depuis 45 ans des mélodies qui nous accrochent immédiatement et que l'on a envie de chanter avec lui. Tom est un "entertainer" né, dans la tradition des grands folksingers américains. Il enchaîna très vite avec "George W. Told The Nation", réécriture de "Lyndon B. Johnson Told The Nation". Du vietnam, on est passé à l'Irak, Mais rien n'a vraiment changé. Ce sera d'ailleurs un des rares moments politiques de la soirée.
Puis ce fut un nouveau titre "Out On The Ocean", et d'autres encore comme le très vivifiant "Dance In The Kitchen" ("Dance in the kitchen, Honey / Dance to the radio / Glide 'cross the kitchen floor / That's why they make 'em for / We'll dance again / Like we used to dance when love was new / Come on and dance in the kitchen / Honey, I want to slow dance with you").
Et le premier set se termina par un autre morceau du même tonneau, le bouzouki de Robin faisant merveille, "And If It's Not True" ("And if it's not true / What harm can it do? / I know what I know / I go where I go"). La Pomme d'Ève rosissait de bonheur alors que chacun chantait à l'unisson avec son hôte du soir.
Au cours du break, je pus acquérir (en jouant des coudes parce qu'il n'en restait déjà plus que 3 exemplaires) le fameux "Comedians & Angels" que vous allez tous commander "on line" dès que vous aurez lu cet article!
Après la traditionnelle tombola (j'ai perdu, comme d'habitude), le second set démarra. Encore 2 instrumentaux de Robin Bullock (à découvrir ici), Tom revint pour des "Family songs": chansons pour ses filles, Jennifer et Kate, aujourd'hui âgées respectivement de 42 et 39 ans (dont "Jennifer's Rabbit" et... "Jennifer And Kate" qui figure sur le nouvel album), chansons d'amour pour son épouse de toujours, Midge, dont le magnifique "Marry Me Again". La quasi-totalité de "Comedians & Angels" fut interprétée en ce 29 janvier. Les très beaux "I like The Way You Look" ("I like the way you look / When you don't know that I'm looking at you"), le non moins superbe "Reason To Be" ("She is the one touch of Heaven I know / Here on this vagabond planet below / Deep in the peace of the morning I see / She is my reason to be"). Il y a eu l'hymne à l'amitié, "What A Friend You Are"("When I needed you / You were there before I knew / I needed you").
Et puis, 2 moments de très grande et très belle émotion.
D'abord, il y eut "The Bravest", chanson dédiée aux pompiers new yorkais qui ont fait don de leur vie pour sauver les autres le 11 septembre 2001. "Now every time I try to sleep / I'm haunted by the sound / Of firemen pounding up the stairs / While we were running down"). L'émotion était palpable dans le caveau et des frissons parcouraient l'assemblée, les sourires avaient disparu, provisoirement, des visages.
Et il y a eu aussi "Comedians And Angels", pour moi le plus beau titre du nouvel album, chanson nostalgique, et d'autant plus touchante que chaque mot en est d'une totale sincérité, évoquant les années de Greenwich Village, quand Tom cotoyait quotidiennement les Phil Ochs, Dave Van Ronk et tant d'autres: "They sang to the horizon / A song no pen could write / Comedians and angels / I miss my friends tonight".
La fin approchait, et Tom appela à son côté son vieux pote de 45 ans, Eric Andersen, qui avait lui aussi enchanté la Pomme le 12 juillet dernier. Je ne vous dirai pas ce que j'ai ressenti en voyant côte à côte ces 2 légendes vivantes: les mots me manquent et sont trop faibles. Aurais-pu imaginer cela, il y a seulement 2 ans?
Et, bien sûr, les deux amis chantèrent les deux morceaux que chacun attendait "Last Thing On My Mind" et "Ramblin' Boy", (et pour ceux - nombreux - qui n'étaient pas là, il est possible d'écouter ces 2 titres en cliquant ici)avant de finir par une reprise du morceau d'ouverture, "How Beautiful Upon The Mountain". Les voûtes de la Pomme d'Ève doivent encore résonner de ces deux vers: "How beautiful upon the mountain / Are the steps of those who walk in peace", repris par tout le public pour un moment dont chacun aurait voulu qu'il ne s'arrêtât point...
Mais c'était bien fini. Pas de rappel. Seul Hervé est revenu nous faire partager encore un instant son bonheur, et s'imprégner du nôtre, précisant que Tom, 70 ans ("encore plus vieux que Jacques Vassal") avait beaucoup donné. Que nous étions des privilégiés (il avait diantrement raison!) d'avoir pu être là, nous la centaine de "Happy few". Pour mémoire, Tom rentre d'une tournée en Angleterre où il jouait chaque soir devant 1000 personnes.
Les prochains (et derniers) concerts annoncés, nous pouvions reprendre notre route, conscients d'avoir vécu un moment rare, un vrai moment de bonheur et de plaisir partagés...